La justice française va trancher mercredi sur le litige qui oppose les héritiers de Peggy Guggenheim (1898–1979) à sa Fondation vénitienne. Les petits-fils de la collectionneuse américaine accusent la Fondation de ne pas respecter l’esprit de leur grand-mère dans la gestion de ses œuvres d’art.
Dans la famille Guggenheim, nous convoquons l’esprit de Peggy, géniale mécène d’art moderne, au cœur d’un litige entre ses héritiers et la Fondation qui gère ses œuvres au sein du palais Venier Dei Leoni, à Venise. Depuis 1976, suite à une donation de Peggy, son musée est administré par la Fondation new-yorkaise – créée par son oncle Solomon R. Guggenheim. Ce mercredi, les deux parties s’affrontent pour déterminer de l’avenir de la Fondation venitienne et la présentation des œuvres rassemblées par Peggy. La famille regrette que les œuvres initiales laissent peu à peu la place à d’autres collections, notamment celle d’Hannelore et Rudolph Schulhof. Son petit-fils Sandro Rumney (fils de Pegeen Vail Guggenheim et du peintre Ralph Rumney) l’accuse de ne pas respecter le souhait de sa grand-mère, et souhaite “la remise en état” de la collection, composée de 326 chefs-d’œuvres, dont des Jackson Pollock, Matisse, Duchamp, Dali, Picasso, Braque, Max Ernst ou encore Rothko.
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Dans les colonnes du JDD en mai 2014, il exprimait alors sa colère: “L’an dernier, lorsque je me suis trouvé à Venise sur le Grand Canal, face au palais, et que j’ai vu qu’avait été gravé sur sa façade « Schulhof Collection » à côté de « Peggy Guggenheim Collection », j’ai bondi. J’étais médusé, éberlué. C’est comme si ma grand-mère avait été mise de côté, gommée. Depuis des années, ce qui se passait dans le musée n’était pas clair pour nous, les descendants de Peggy. Mais nos demandes répétées d’explications n’ont jamais obtenu de réponses.” Soutenu par son demi-frère, Nicolas Hélion (fils de Pegeen et Jean Helion), les petits-enfants de la collectionneuse sont déterminés à faire valoir les droits de leur grand-mère: Peggy Guggenheim au moment de la donation aurait précisé à la Fondation que “la collection devait être conservée comme un tout.” Plus encore, les héritiers regrettent l’administration très américanisée du musée, et accuse la Fondation de “violation de sépulture”: des cocktails sont organisés dans le jardin du palais, parmi les sculptures de la collection Patsy et Raymond Nasher, alors même qu’y sont entreposées les cendres de leur grand-mère.
Maître Bernard Edelman, l’avocat de Rumney, défend l’idée selon laquelle Peggy Guggenheim a réalisé une “oeuvre de l’esprit”, – sur laquelle les héritiers ont donc “un droit moral” – et qu’elle se doit à ce sujet d’être respectée dans son intégralité. Ce que conteste Maître Pierre-Louis Dauzier, avocat de la Fondation, pour qui “une collection n’est pas nécessairement une oeuvre”. “Il est incontestable que le collectionneur fait un choix, il choisit d’acquérir”, précise Maître Dauzier, remettant toutefois en question l’accrochage de la collectionneuse “très didactique, sans originalité, pas autre chose qu’une compilation”.
Peggy Guggenheim, Marguerite de son vrai prénom, est une figure emblématique de l’art du XXe siècle. Orpheline à 13 ans – son père Benjamin, magnat du cuivre, meurt dans l’accident du Titanic -, elle s’intéresse à l’art contemporain en autodidacte, auprès de figures emblématiques comme Cocteau ou Duchamp. Dans les pas de son oncle, Solomon R. Guggenheim – mécène américain qui crée sa Fondation éponyme en 1937 et donne son nom aux musées d’art moderne de New York et de Bilbao -, Peggy Guggenheim établit au fil des années et de ses amitiées, une des collections les plus emblématiques de l’art moderne. Une collection dont le sort est aujourd’hui entre les mains de la justice française.
Crédits photos : Images Press