Lutte anti-tabac : les 10 propositions radicales d'Yves Bur

Dans un rapport sans concession rédigé à la demande du ministre de la Santé, qu’il lui a remis le 1er mars, le député UMP Yves Bur propose 10 axes d’action pour réduire de moitié la proportion de fumeurs d’ici 2025 et revenir ainsi à des taux de consommation proches de ceux du Royaume-Uni, du Canada, de la Nouvelle-Zélande ou encore de la Thaïlande.

Le député UMP Yves Bur propose 10 mesures radicales pour réduire de moitié le tabagisme d'ici 2025.

Chaque année, le tabac tue plus de 60 000 personnes en France. Après plusieurs années de baisse de sa consommation, celle-ci est repartie à la hausse entre 2005 et 2010, atteignant 29 % de la population. Une proportion encore plus forte chez les 20-25 ans où elle atteint 42,8 % chez les jeunes hommes et 39 % chez les jeunes femmes de cette tranche d’âge.La mauvaise gestion politique pointée du doigtDans son rapport, Yves Bur n’hésite pas à mettre en cause la gestion politique de la

lutte contre le tabac, dénonçant “des moyens dérisoires consacrés au contrôle du tabac“, une “fluctuation de la volonté politique au cours du temps, avec des prises de décision contradictoires“ au cours des dix dernières années. Et le député d’incriminer une gestion économique et non sanitaire de la situation, “avec une prise en main par le budget de décisions qui devraient revenir à la santé“.Yves Bur rappelle par ailleurs que, contrairement aux idées reçues, les “recettes fiscales du tabac de 11 milliards d’euros ne couvrent pas, loin s’en faut, le coût de l’assurance maladie“ qui est de 18 milliards d’euros. Au total, le coût social du tabac est estimé à 47 milliards d’euros par an, soit 3 % du PIB de la France, souligne le député.Sa première recommandation concerne donc la mise en place d’un interlocuteur unique, désigné par le Premier ministre, pour piloter la politique de lutte contre le tabac.Augmentation de 10 % du prix du tabac

Parmi les mesures fortes que propose Yves Bur, celle de l’augmentation de 10 % des taxes et du prix des produits du tabac est certainement le signal le plus fort. S’appuyant sur les conclusions de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et de la Banque Mondiale, le député estime qu’une telle hausse des prix entraînera une réduction de la consommation du tabac de 2,5 à 5 %, notamment chez les

jeunes, plus sensibles au facteur prix. En écrivant que la fixation des objectifs des prix du tabac doit être motivée “uniquement pas des considérations de santé publique“, Yves Bur dénonce en filigrane les motivations davantage pécuniaires que sanitaires des politiques qui ont prévalu jusque-là, avec une  augmentation des recettes fiscales obtenues par des hausses trop faibles des prix.Yves Bur souhaite par ailleurs “rendre au tabac sa véritable image“ de tueur ; il soutient pour cela l’idée d’un

paquet neutre standardisé qu’il défend depuis 2010, et suggère de mettre fin aux stratégies marketing de l’industrie du tabac qui banalisent et normalisent le tabac (paquets ludiques, design, utilisation d’arômes…).Interdiction du fumer dans tous les lieux publics où se trouvent des enfantsBien qu’il existe un cadre réglementaire contre le tabagisme actif et passif depuis plusieurs années, force est de constater qu’il est mal appliqué ou insuffisant pour protéger les jeunes et les enfants, estime le député du Bas-Rhin. Il demande donc de renforcer les contrôles concernant l’interdiction de vente aux mineurs, l’interdiction de publicité et de promotion sur les lieux de vente et propose, en cas d’infraction grave, “des sanctions dissuasives comme la révocation de licence“. Yves Bur souhaite également que la France se mette “en conformité avec les recommandations internationales“ et s’attaque à la non-conformité des terrasses de cafés, bars et restaurants qui hésitent de moins en moins à braver l’

interdiction de fumer dans les lieux publics et lieux de travail. Il préconise aussi de supprimer la possibilité de fumoirs et propose d’introduire la vente des produits du tabac “sous le comptoir“.Alors que Nice a inauguré le 20 février 2012 sa première plage sans tabac, Yves Bur va plus loin et suggère, pour protéger les enfants, d’“élargir le champ d’interdiction de fumer à l’ensemble des lieux publics ouverts ou fermés où les enfants peuvent se trouver comme les jardins d’enfants, les plages, les véhicules privatifs“.Prise en charge à 100 % des aides au sevrage pour certaines populationsDans son rapport, le député rappelle que le soutien à l’

arrêt du tabac est plus coût-efficace que le traitement des

maladies liées au tabac ; il recommande, par conséquent, la prise en charge intégrale des

aides au sevrage pour les populations vulnérables (

femmes enceintes, bénéficiaires de la CMU, Affections Longue Durée) et une prise en charge modulée pour le reste de la population. Cette aide au sevrage nécessite également l’implication des professionnels de santé, qui doivent pour cela recevoir une formation spécifique, suggère Yves Bur.Enfin, le député s’attaque aux lobbies des fabricants de tabac, au niveau national mais aussi européen. Yves Bur n’y va pas par quatre chemins et dénonce “les stratégies et les comportements malveillants“ mis en œuvre par l’industrie du tabac. Et de citer la désinformation du public via des campagnes savamment orchestrées, la corruption de chercheurs, l’organisation de la contrebande… Il propose donc, comme pour les médicaments, de mettre fin aux conflits d’intérêt qui existent chez certains représentants de l’État et qui nuisent à la lutte contre le tabac.Enfin, il suggère de revoir le statut des buralistes, pour ne plus lier leur rémunération au volume de ventes de tabac. Pour l’instant, ils touchent 8,5 % brut du prix des paquets qu’ils vendent. 80 % reviennent à l’État et le reste aux fabricants. Mais dans ce domaine, Yves Bur ne donne aucune solution.Pour Emmanuelle Béguinot, directrice du Comité National de lutte Contre le Tabagisme (CNCT), “ce rapport fera date. Le sujet est posé comme il le fallait, avec des mesures concrètes“. Et de conclure : “Aucun responsable politique ne peut désormais ignorer que des mesures efficaces peuvent être prises. En ne les prenant pas, ils sont responsables de morts prématurées évitables“.Amélie PelletierSources– Propositions pour une nouvelle politique de lutte contre le tabac, Rapport au Ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé, remis le 1er mars 2012 à Xavier Bertrand.- Interview d’Emmanuelle Béguinot, directrice du Comité National de lutte Contre le Tabagisme (CNCT), le 2 mars 2012.- Communiqué du CNCT, le 2 mars 2012.Crédit photo : Yves Bur, IBO/SIPA

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