L’annonce a fait grand bruit, tant du côté des pêcheurs que du côté des écologistes. Par les voix de Jean-Louis Borloo, ministre de l’Ecologie et de Bruno Le Maire, ministre de l’Agriculture, la France s’est prononcée en faveur d’une interdiction du commerce international du thon rouge, menacé par la surpêche. Une décision loin de satisfaire toutes les parties, notamment les thoniers-senneurs qui craignent pour leur activité.
Depuis plus d’un mois, les spéculations allaient bon train concernant la position française quant à l’initiative de la principauté de Monaco : inscrire le thon rouge de Méditerranée à l’Annexe 1 de la Convention de Washington sur les espèces menacées (Cites). En clair, cela entraînerait l’interdiction du commerce international de cette espèce menacée par la surpêche. Finalement, le mercredi 3 février, Paris s’est ralliée à la proposition monégasque, non sans quelques dispositions destinées à apaiser la colère prévisible des pêcheurs. En effet, la proposition est assortie d’un délai de mise en oeuvre de 18 mois (soit deux saisons de pêche), un sursis en quelque sorte. Ce délai devrait permettre “de sauver la pêche côtière artisanale qui ne menace pas la ressource mais représente la majorité des emplois et des activités“ et leur mettre à disposition une zone économique exclusive (ZEE) française en Méditerranée, selon Bruno Le Maire. Mourad Kahoul, président du syndicat des thoniers méditerranéens, a dès l’annonce des ministres français, demandé “une réunion d’urgence“ avec Nicolas Sarkozy.Cett disposition n’est pas non plus au goût des associations écologistes. Pour Greenpeace, ce délai autorise “les industriels à ponctionner toujours plus l’espèce. Le gouvernement achète ainsi la paix sociale avec les industriels de la pêche, dans une période d’élections régionales“. L’association résume d’ailleurs la proposition en ces termes : “Cela revient à nous dire : sauvons le thon, mais pas tout de suite !“.Le thon rouge, qui évolue principalement dans les eaux méditerranéennes et de l’Atlantique Est, est menacé de disparation en raison de la surpêche. Selon l’Ifremer, les volumes des captures sont très largement supérieurs aux quotas autorisés et limitent donc le potentiel de reproduction de l’espèce. En Méditerranée, le stock de thon rouge a baissé de 74,2 % de 1957 à 2007 – dont 60,9 % au cours des dix dernières années. Par ailleurs, plus de 80 % des prises méditerranéennes sont destinées au marché japonais.Sur le plan diplomatique, la position française était capitale. En mars, se tiendra à Doha la conférence des parties de la Cites (175 membres). L’Europe (au nombre de 27 Etats) devra adopter une décision commune, qui ensuite influera sur le vote de cette fameuse annexe 1. La France, pays de pêcheurs, possède de nombreuses voix sur ce sujet, tout comme l’Italie, qui se rallie au choix des ministres Borloo et Le Maire. L’Espagne, par contre, reste opposée à l’interdiction de pêche du thon rouge.La conférence de Doha montrera si la France aura réussi à rallier à sa cause ses homologues européens et si le Japon, évidemment contre l’interdiction, aura convaincu d’autres pays de refuser la proposition monégasque. Les décisions finales de la Cites se prennent à une majorité de deux tiers.Ioanna SchimizziSources :Europe 1.fr/Greenpeace
Le thon rouge, une espèce surexploitée, Ifremer, 20 octobre 2008Photo : © Koji Sasahara/AP/SIPA